Trois questions à Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des poètes
Depuis 50 ans, le CNDP produit des émissions de télévision et de radio dédiées à la poésie. Que nous révèle cet attachement de l’école à la poésie au cours de ces décennies ?
Le lien entre la poésie et l’école est originel et - qui le contesterait ? - on ne peut plus naturel et nécessaire. La poésie concentre un certain nombre d’enjeux qui coïncident exactement avec le projet éducatif. D’une part, elle instaure un rapport dynamique, scrutateur et curieux à la langue, induisant implicitement un questionnement de la norme. D’autre part, elle élargit les représentations du réel, conteste les stéréotypes, ouvre à une compréhension du complexe, donc contribue à l’éducation de consciences alertes et libres.
Qu’est-ce que le printemps des poètes célèbre cette année en se plaçant « au cœur des arts » ?
Si la poésie se rencontre évidemment dans le poème écrit, dit, lu, elle est aussi, avant le poème si je puis dire, une position particulière devant le monde, celle que traduit tout geste artistique et qui est fondamentalement un questionnement, une subversion des évidences et des vérités admises. Il n’est donc pas étonnant que, depuis les temps les plus anciens, la poésie ait été en dialogue avec la danse, le chant, les arts plastiques, le théâtre, qu’elle en ait été même le plus souvent l’argument premier. C’est dire aussi que la poésie n’est pas solitaire, qu’elle est souvent l’arrière-plan des grandes aventures artistiques de ce temps, celles par exemple de Pina Bausch, de Peter Brook, de Pasolini, de Dutilleux, de Brassens ou d’Ernest Pignon-Ernest, notre parrain.
Comment développer le plaisir de la poésie à l’école ? Ces archives de la télévision éducative peuvent-elles y contribuer ?
Instaurer le plaisir de la poésie à l’école est de fait très simple : avant d’en venir aux exercices d’apprentissage proprement dits (récitation, explications de textes…), il faut familiariser l’oreille des enfants à la langue insolite du poème. Cela passe par la lecture, libre, simple directe, de poèmes par l’enseignant, chaque jour et en sollicitant le répertoire le plus varié possible, classique et contemporain. C’est à mes yeux le socle sur lequel bâtir les autres scenarii pédagogiques qui susciteront l’initiative et l’action de l’élève. Mais cette initiative fondatrice est première : elle donne confiance à l’enfant dans son rapport au poème, confiance sans laquelle toute démarche pédagogique ultérieure serait vaine… Tout ce qui contribue à rendre la poésie familière, à désacraliser et dédramatiser la relation à la poésie, qui fait éprouver la variété de ses formes et de ses registres, est utile. Les ressources du réseau Canopé, plus aisément accessibles aujourd’hui grâce au numérique, permet d’associer et d’élargir l’éventail des modalités de rencontre avec la poésie, le poème, les poètes.
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